Éire

Mórrígan ! Pourquoi dois je encore m'avancer sur cette sombre terre ? Ne vois tu pas tous tes adeptes succomber au christianisme l'un après l'autre et ton pays qui petit à petit est rongé par ce mal scandinave? Pourquoi donc te soucier de moi qui, dépité de toutes ces absurdités et de ces horreurs humaines, me suis privé de voir à nouveau ? Je ne suis plus qu'une ombre errante dans un univers de ténèbres ! Tu restes encore sourde à mes suppliques... Je n'ai plus de choix de toute manière.

Traversant les montagnes du Comté de Galway afin de rejoindre Galway, je fus une halte sur Mweelrea. Je foulais l'ouest de l'Irlande pour la première fois. Sentant le souffle qui me vint des chutes de Aasleagh, je me sentis revivre à nouveau. Je retirai le bandeau de mes yeux qui étaient voilé d'une cécité depuis bien trop longtemps. J'admirai alors ce lieu ancestral, ce paysage mystique s'étendant devant moi, les lacs Corrib et Cang, ces plaines généreuses en orchidées, de sorbier, de violette, de fleur d'aubépine et dominées par la montagne sacrée appelée Croagh Patrick en l'honneur de ce chrétien, Saint-Patrick et qui est bafouée de nos jours par des milliers de pèlerins s'y rendant chaque année pour en faire l'ascension et visiter l'église qui se trouve au sommet. Revoir toutes ces forêts de pins, de mélèze et de sapins me rappelle mon ancienne vie, ma maison, ma famille... Petit à petit des éléments du passé ressurgissent, je dois continuer à me remémorer cet ancien temps pour qu'il n'ait pas été vécu pour rien !

Lors de mon sommeil sur cette même montagne, je fis un songe inattendu... Mórrígan vint elle-même me parler. C'était la première fois que je la voyais. Elle était vêtue d'une tunique rouge rubis, par dessus de laquelle était équipées des protections en cuir. Elle était miraculeusement belle, ses cheveux couleur auburn m'adoucirent, et ses yeux d'émeraude me charma dès l'instant où son regard me cerna. Elle chanta les paroles que voici :

Orphelin des terres éplorées du nord,
Un groupe te sauvera d'une mort.
Nombreux seront vos supplices et vos peines
Tout comme les a subis l'héros Cúchulainn
Solitaire qu'il fut, il ne put, seul,
Les surmonter ! honorez vos Aïeuls !
Unissez vous face à l'adversité !
Prêtez l'oreille aux chants billevesées
Lorsque tous ensemble vous buverez
Votre pinte, instant d'éternité...
Ô, grand Lug et divine Eithne! Bénis
Soit ce jour d'une douceur de la vie !
Guiness ! à cette crinière d'ivoire,
Guiness ! à ce corps de jais, doux nectar !
Laissez Diancecht prendre soin du vide !
vous obtiendrez votre place dans le sidh.

Je me levai aussitôt, je devais poursuivre ma route, chercher ces personnes qui allaient peut-être m'aider à trouver un sens à ma vie...

M'assoupissant près d'une rivière, j'admire ce lieu. Mais quelle nature aux merveilles infinies ! Ce lieu est un refuge où secrète une musique si douce. Mon âme est plongée dans une baie de narcisses. Je me laisse petit à petit emporter par le sommeil. Ce silence est un trésor magnifique qui apaise mes souffrances trop longtemps dissimulées, et permet à mes rêves de se former. Exilé du monde qui m'entoure, mon cœur tangue...


L'aube. Explosion magnifique d'une naissance d'un monde.
an ghrian n-éiríonn ar blár catha [le soleil se lève sur le champ de bataille]
Je sens l'impatience de mon épée Basarhach face l'appel du sang qui parcourt toute la vallée. La mort sur les épaules, je me prépare encore une fois à voir le contour de la vie.

"Pères qui nous regardent du Ciel ! Le ciel qui sait ce qui nous attends ! Nous atteindrons la vie que l'on nous a promise éternelle! Pour Ard ri Érenn et pour nos terres libres !" [le roi suprême]

Près de moi, un jeune homme, qui venait juste d'être envoyé au combat pour la première fois avait une apparence trompeuse de trouble fulminant. La peur dans ses pas, tous ses membres sanglotent. Mais cette vision déchirante et damnée devenait familière... Trop tard pour le connaitre d'avantage, je choisis juste de l'appeler Conla.
C'est ainsi qu'avec une charge effrénée et accompagnés d'hurlements, nous nous lançons contre ces pillards du nord. Cette sensation que l'on a lorsqu'on se porte au combat est familière à l'envol d'un faucon, fier et perçant, près à foncer sur sa proie, jusqu'au moment où il se fait transpercer par une flèche et s'écrase dans une chute funeste...

Portant mon épée à deux mains devant moi prêt à encaisser l'impact, j'aperçois le visage de ma première victime, maquillé comme si il se rendait à une célébration, mais qui est-il pour considérer la guerre comme une jouissance ?!! La première rencontre commence par une hémorragie sanglante et des cris de toute part. Pourfendant ce barbare en une marée de sang volant sur mon visage, je me fraie un passage à travers des corps que j'écrase et transperce à tout va, sentant mes battements fous de mon coeur. Je n'ai pas de limite, je n'ai aucune frontière ! Je laisse libre cours aux sentiments de ma lame ! Je suis celui qui est jadis né sur cette terre, celui qui aujourd'hui parcourt cette vallée sanglante et celui qui demain détruira votre monde ! Mon espèce est de celle que l'on ne peut arrêter sur les champs de bataille, ayant vu les jours de guerre, les jours sereins, ayant vu tous les lendemains et plus que l'on ne pourrait espérer, vous ne pourrez rien faire, rien qui ne pourra arrêter la volonté de mon bras ! Des membres flottaient autour de moi, je dégoulinais de sueur, et l'homme au corps de fer entama sa descente, il creusait avec envie mes compagnons, lorsque je vis Conla se faire écraser par une gae bolga... Mon esprit défaillant me fit m'agenouiller face à ce spectacle d'illusion comique mais tragique. C'était la fois de trop, celle de voir un autre fils de l'Irlande trouver la mort. Pris d'un spasme de folie, ressentant à peine la hache qui s'incrustait dans mon flanc j'arrachai une épée d'un cadavre et me rua sur ce qui était le plus proche de moi. Me regardant avec stupeur, ces monstres firent la connaissance du gouffre de mon rêve ensanglanté.
La bataille terminait. par centaines, les ennemis fuyaient devant ce qui restaient des défenseurs de l'Irlande. Ce qui n'était pas plus qu'une poignée à ma grande tristesse. Je m'arrêtai pour observer l'étendue des ravages. Je ne savais pas comment je pouvais encore me tenir debout.

Je me tiens dans une rivière de sang, le sang de tout ceux que j'ai occis et de ceux que j'ai connu, et le sang du jeune Conla s'y mêle aussi. Tout devient obscure, je suis en train de me faire engloutir dans ce bassin de chair, sans pouvoir bouger, je ne peux plus respirer, plus dans ce monde là... Mais une main me tire de la, je ne peux voir le visage du sauveur, ébloui par sa chevelure flamboyante !


Je me réveille en sueur, près de la rivière, mais qui n'est heureusement remplie que d'eau... Me levant, mes affaires et mon épée étaient toujours là. Je ne peux m'arrêter de fixer celle-ci.
"Tristes terres..."